Florian Delépine, cofondateur de l’Atelier TAC
Les déchets d’un projet deviennent plus facilement les ressources d’un autre pour l’Atelier TAC. Située à Orléans (Loiret – 45), la SCOP intervient principalement sur les régions Centre et Ile-de-France. Interview de Florian Delépine, cofondateur.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Florian Delépine. Designer de formation, j’ai été formé à l’ENSCI Les Ateliers et diplômé en 2012. Cursus au cours duquel, j’ai d’ailleurs inventé un lieu entre bricothèque, atelier d’insertion et fablab, en lien avec le réemploi.
J’ai aussi travaillé dans une ressourcerie, spécialisée dans les matériaux, uniquement dédiée aux professionnels (plasticiens, designers…) – La Réserve des arts – pendant 5 ans. Cette association récupère des déchets qu’elle revend à bas prix aux acteurs du secteur culturel. J’ai participé à son développement avec la mise en place d’un atelier de fabrication mutualisé entres autres. Je suis aujourd’hui par ailleurs membre du conseil d’administration.
En parallèle de ces 5 années, j’ai commencé à expérimenter mon activité de designer en me spécialisant dans la conception à partir de matériaux réemployés. Le projet a pris tranquillement. Au final, je me suis associé avec des amis en 2017 / 2018 et la SCOP (Société coopérative ouvrière de production) est née. À ce jour l’équipe est composée de :
- Arnaud Paulet (ingénieur),
- Manon Congard (designer),
- Moi – Florian Delépine (designer).
Nous sommes tous les trois aussi bien concepteurs qu’artisans, travaillons le bois et également les métaux.
Pouvez-vous m’en dire plus sur l’Atelier TAC ?
Au sein de l’Atelier TAC, nous concevons et fabriquons du mobilier et aménagements sur-mesure pour particuliers et professionnels (associations, entreprises et institutions), tout en prenant soin de l’environnement.
Nos activités sont multiples :
- aménagement,
- microarchitecture,
- animation,
- mobilier,
- scénographie…
En vu de petites séries, nous faisons aussi du développement produit.
En quoi consiste votre métier ?
Au quotidien, nous faisons de tout :
- conception,
- administration,
- fabrication,
- manutention…
Certaines semaines, nous sommes principalement en bureau et d’autres, entièrement en atelier.
Grâce à un entrepôt de 33 tonnes de matériaux de réemploi, notre approche est de sourcer des matières premières sans forcément savoir à quoi elles vont servir après. À cet effet, nous avons ainsi développé un outil qui identifie ces matériaux : poids, couleurs, dimensions….
Nous travaillons principalement sur commande et sur-mesure. L’idée est donc de concevoir en fonction du matériau et du projet. Nous n’avons pas de problème de matière et avons besoin d’un stock très complet.
Pourquoi avoir choisi cette voie ?
Comme expliqué précédemment, j’ai fait des études de conception d’objets au sens large mais très vite, je me suis intéressé à leur impact sur notre quotidien.
J’ai alors essayé d’imaginer une manière de faire ce métier en prenant en compte les impacts environnementaux et en essayant de les minimiser.
Mon projet de fin d’études a fini par se traduire dans mon parcours professionnel.
Comment se déroule une journée type ?
Nous commençons nos journées par des séances d’étirements et d’échauffement pour prendre soin de nous (rires). On piétine beaucoup, on porte des charges lourdes… Au-delà de l’aspect environnemental, nous sommes une entreprise du champ de l’Économie sociale et solidaire (ESS), ce qui revient également à prendre soin de l’humain.
Après, nous faisons un peu de bureau pour répondre aux mails, faire des devis… puis, nous filons en atelier.
Il y a parfois des tâches complexes à réaliser pour lesquelles nous ne sommes pas outillés et qui seraient bien trop longues à effectuer en interne.
Dans ces cas-là, nous faisons appel à des prestataires locaux, plus compétents que nous sur le sujet. Notamment pour les peintures à procédé industriel, nous déléguons.
Quelles matières premières utilisez-vous ?
Nous travaillons principalement avec le bois pour une raison liée à la filière de recyclage.
Recycler ce matériau à un coût, notamment les bois transformés comme l’OSB, donc on en trouve en réemploi. Contrairement au massif qui peut quant à lui être revendu et transformé en copeaux.
En chiffres, nous avons utilisé plus de 7 tonnes de matériaux en 2020, dont 90 % de bois.
Votre entreprise met-elle en place des actions en faveur de l’environnement ? Si oui, lesquelles ?
Spécialisés dans le réemploi de matériaux et l’éco-conception, nous cherchons à améliorer notre impact global.
En plus d’être signataire de la charte des éco-designers de Alliance française des designers (AFD), nos engagements sont nombreux :
- utiliser en priorité des matériaux issus du réemploi ;
- démonter et réemployer la quasi-totalité des matériaux utilisés sur des projets éphémères ;
- réduire notre consommation énergétique ;
- consommer uniquement de l’énergie verte (via Enercoop) ;
- privilégier les matériaux bio-sourcés (locaux, naturels, recyclés, recyclables) comme le bois massif ou le contreplaqué et, jamais de MDF et panneaux de particules neufs ;
- optimiser nos déplacements (pas de voyage à vide !) ;
- adapter nos moyens de transport ;
- acheter nos machines d’occasion et préférer la réparation au remplacement ;
- récupérer nos emballages de protection – nous n’avons jamais eu à acheter du papier bulle depuis notre création – et minimiser nos déchets en effectuant des systèmes de nouages plutôt que du scotch par exemple ;
- trier nos déchets et recycler tout ce qui ne peut pas être réutilisé. Par exemple, la sciure sert aux toilettes sèche et est compostée au jardin de l’Atelier.
Nous avons bien évidemment des axes d’amélioration, tout est perfectible :
- notre camion roule au diesel ;
- nous achetons quelques produits / matériaux neufs ;
- nous produisons tout de même des déchets non recyclables ;
- nous utilisons encore certains produits de finition non naturels.
Avez-vous un exemple de chantier en tête ?
Nous avons répondu au concours « Le design au service de l’économie circulaire » en proposant du mobilier – tables modulaires – fabriqué à partir de panneaux de particules stratifié (mélaminé).
Il s‘agit d’un matériau très difficile à réemployer en atelier, qui finit bien souvent par être incinéré.
Dans le cadre de ce projet, nous avons donc imaginé un produit pouvant être produit en série. Notre concept reposait sur un processus de standardisation de formats particulièrement hétérogènes, selon leur provenance.
Conçu à partir de quasiment 100 % de matériaux de réemploi, le principe était également entièrement démontable et les pièces remplaçables.
Avez-vous déjà partagé des ressources et / ou du matériel avec des confrères ?
Assez peu au final puisque notre modèle économique est de stocker nos propres matériaux. C’est un choix qui correspond à un certain temps de travail (inventaire, logistique…).
Concernant les outils, nous avons accueilli, sous forme de partenariats, des porteurs de projet qui avaient besoin d’aide en atelier. Nous ne communiquons cependant pas beaucoup à ce sujet compte tenu de la taille de notre atelier et de notre charge de travail.
Il nous est également arrivé d’utiliser des machines mises à disposition mais de manière générale, nous sommes assez autonomes.
Avant de connaître Articonnex, aviez-vous des moyens de rentrer en contact avec d’autres artisans ?
En considérant nos formations, nous ne sommes pas issus de ce milieu ce qui fait que nous côtoyons assez peu les communautés d’artisans.
Nous faisons appel à des prestataires semi-industriels que nous pouvons considérer comme tels. Nous sommes également amenés à réaliser des projets plus gros et complexes pour lesquels nous nous adressons à des entités extérieures, plus spécialisées sur le sujet (bureau d’études pour de la structure, peintres…).
En ce moment, nous sommes à la recherche de structures qui acceptent de travailler avec des matériaux de réemploi. Ce qui nous plairait, c’est de tisser des liens plus proches entre lesdites structures (associations, entreprises, chantiers de réinsertion…).
Nous pourrions alors répondre à des appels d’offres publics ou privés auxquels nous ne pouvons pas prétendre seul. Ce serait sympa ! Après, il s’agit de trouver les projets qui s’y prêtent.
Comment pensez-vous qu’Articonnex puisse vous aider dans votre activité ?
Nous sommes toujours à la recherche de nouveaux gisements. Plus mobilier que bâtiment, l’aménagement reste toutefois une activité à cheval entre les deux.
Nous ne recherchons pas de manière précise et notre démarche est de concevoir avec ce qu’il y a comme vous l’aurez compris. Nous nous laissons donc inspirer par les gisements existants.
Nous préférons par exemple moins dépenser dans des lots insolites et trouver ensuite des applications que de sourcer une matière précise. Même s’il faut admettre que certaines nous servent toujours : le contreplaqué et les tasseaux en sont de parfaits exemples.
Cependant, plus nous avons de fournisseurs, plus c’est bon à prendre. Pour peu que le gisement soit proche de chez nous bien sûr.
Qu’en est-il de vos stocks dormants ?
Il arrive que nous ayons 2 ou 3 trucs. Souvent quand ils sont trop vieux, nous trouvons une solution:
- s’en servir pour notre usage, en interne ;
- les donner à une association locale qui en aurait besoin ;
- les placer sur des projets à plus petit budget pour aller au plus efficace avec ce qui a le moins de valeur (gagnant / gagnant).
Pour en savoir plus sur le travail de Florian, rendez-vous sur leur site officiel : www.ateliertac.fr